Opinion - 13 juillet 2023

Un peu d'espoir

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Ecrit par Bertrand Piccard 3 min de lecture

On peut blâmer les activistes du climat qui n’entrevoient aucun avenir et se collent les mains à l’asphalte, jettent de la sauce tomate sur des tableaux ou dépriment en refusant d’aller à l’école et d’avoir des enfants. Le fait est que leur comportement reflète souvent un authentique désespoir et ils voient la désobéissance civile comme seule réponse possible aux promesses sans lendemain de nos dirigeants. 

Essayons de traiter la cause plutôt que de critiquer le symptôme. Devant le sentiment d’impuissance, le meilleur remède à l’éco-anxiété est la démonstration qu’on peut quitter le statut de victimes du passé pour devenir acteurs du changement. Les jeunes savent-ils combien la transition écologique a besoin d’eux ? Davantage encore, que cette transition ne se fera pas sans eux ? Pourquoi ? Parce que même si les travaux étaient entrepris aujourd’hui pour éliminer toutes les émissions de CO2, il n’y aurait pas la main d’œuvre nécessaires pour le faire. Pas assez de personnel qualifié pour installer les panneaux solaires et les pompes à chaleur, forer les puits géothermiques, rénover les bâtiments, moderniser les nombreuses infrastructures polluantes et les remplacer par des systèmes propres et efficients. 

L’éducation a pêché en présentant les études intellectuelles comme supérieures à toutes les autres, en méprisant les professions manuelles et en n’imaginant pas les besoins techniques du futur. Si nos dirigeants sont incapables d’imaginer l’avenir, comment les citoyens le pourraient-ils ?

 Il faut éviter la situation catastrophique du Royaume-Uni, où le secteur des pompes à chaleur n’employait en 2019 que 2’000 personnes, quand bien même les estimations avaient indiqué la nécessité d’une main-d’œuvre 75 fois supérieure[1]. Récemment encore, le gouvernement britannique a annoncé d’ambitieux plans visant l’installation de 600’000 pompes à chaleur par an d'ici à 2028. Un objectif admirable, mais qui ne sera pas atteint faute de personnel qualifié.

La Commission européenne l'a reconnu par la voix de sa présidente, décrétant 2023 Année Européenne des Compétences, et soulignant que les efforts de transition de l’Union nécessitent de toute urgence une “connaissance précise des besoins en personnel et de la meilleure façon de pourvoir les postes vacants”. Des objectifs climatiques ambitieux tels qu’une réduction de 55 % des émissions d’ici à 2030 pourraient y entraîner la création de  884 000 emplois “verts”[2]. En Suisse, on parle de 52'000 emplois pour mettre en œuvre la Loi Climat. 

Certains diront qu'il est un peu tard pour y penser, et je pourrais être d’accord si la formation ne s’adressait qu’aux plus jeunes, mais il existe d'innombrables opportunités d’apprentissages et même de reconversion pour les personnes déjà actives sur le marché du travail. Une formation de foreur pour la géothermie de surface prend 11 semaines. Encore faut-il donner envie et valoriser ce type de formations. Je pense qu’on devrait urgemment mettre tous ces métiers d’avenir sous le chapeau de « Technicien du Futur ». On ne serait plus plombier pour pompe à chaleur ou couvreur de toit pour panneaux solaires, mais Technicien du Futur. N'est-ce pas plus noble et valorisant ? Les salariés veulent trouver un sens à leur emploi, travailler dans une entreprise à impact positif. C’est le moment de leur montrer que c’est possible. 

Efficience à tous les niveaux ; utilisation de la chaleur perdue ; réseaux électriques intelligents ; énergies renouvelables ; économie circulaire. Voilà quelques industries parfaitement viables commercialement au sein desquelles les nouvelles générations pourraient trouver leur place. Il nous faut aujourd’hui créer ces filières pour que les travailleurs reconnaissent la transition écologique pour ce qu'elle est : une opportunité de renouveau. Pour nos économies, notre éducation, nos ambitions professionnelles.

Il nous est désormais possible de permettre à la jeunesse de crier « Solutions, solutions » au lieu de « Problèmes, problèmes ». Alors faisons-le !

Bertrand Piccard

Président de la fondation Solar Impulse


*Cet article été publie par Le Temps


[1] https://ukerc.ac.uk/news/social-justice-implications-of-the-skills/

[2] https://www.euractiv.com/section/energy-environment/opinion/green-jobs-and-the-energy-transition-a-long-bumpy-but-exciting-journey/

Ecrit par Bertrand Piccard le 13 juillet 2023

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